JURA – Rotalier
LA FAMILLE
Si le Domaine Labet s’est fait une place de choix parmi les symboles du vignoble jurassien, il l’a fait à sa façon. Imprégné par la dimension paysanne du métier de vigneron. Ce rapport au vivant, Julien, Charline et Romain en ont hérité de leurs parents. Ainsi, sur les terres de Rotalier, la famille Labet continue d’associer merveilleusement esprit terrien et esprit de troupe. Indépendance et partage. Excellence et humilité.
En arrivant ce matin de juillet sur les terres vallonnées de Rotalier, la lumière du soleil n’inonde pas encore ce village du Sud-Revermont, au sud de l’appellation Côtes-du-Jura. Toute l’histoire du Domaine Labet semble résider ici. Dans cette maison. Entre ces murs qui abritent la maison “du Papa”, l’ancien chai et le célèbre caveau familial. Une histoire à l’image d’un vignoble jurassien qui s’est longtemps tenu éloigné des évolutions technologiques et des effets de mode. Aussi, si les prémices du Domaine Labet datent des années 50, au cours desquelles le père d’Alain – Jean – s’occupait de 2,5 hectares de vignes au sein de la ferme familiale en polyculture-élevage, c’est bien sous l’impulsion d’Alain Labet que la véritable naissance du domaine se matérialise. Nous sommes en 1974. Exit l’étable, transformée en chai. Rejoint par Josie Labet en 1976, ce passionné de vins décline ainsi les préceptes fondateurs du Domaine Labet. En outre, c’est sous l’impulsion des enfants que le domaine passe de nouveaux paliers. Notamment par le prisme de Julien Labet, l’aîné de la fratrie passé par le célèbre Domaine Ramonet. Désireux de s’émanciper, il s’installe à son nom en 2003. Sur 3 hectares, qu’il cultive en bio. Les deux domaines optent alors pour des orientations culturales différentes. Néanmoins, l’organisation du travail se poursuit collectivement. Charline et Romain sont d’ailleurs salariés depuis 2000. En 2013, frères et sœur réunissent les deux domaines, suite à la retraite d’Alain et Josie. Ils poursuivent ainsi l’œuvre familiale sur près de 14 hectares. Charline et Julien à la cave. Romain préférant plutôt le travail à la vigne. En équipe. Prolongeant l’union familiale avec autant de simplicité que de brio.
« Être paysan, c’est être au contact du vivant. Le respirer chaque jour et travailler en communion avec lui. On se sent très loin du monde de la toile et du marketing.»
LE TERROIR
Rotalier. Sur les hauteurs du vaste plateau calcaire des varrons, le Domaine Labet ne cesse de révéler la typicité des terroirs du Sud-Revermont. Une terre que la combinaison de calcaire du bajocien et d’argiles rend si singulière. Grâce au travail d’Alain, cultivé depuis par Julien, Charline et Romain, les cépages jurassiens délivrent ici une expression unique.
Au Domaine Labet, le terroir est roi. Là encore, une intuition d’Alain, dont la passion pour la vigne et les différents profils de sols l’amènent progressivement à définir des climats. Comme en Bourgogne. Ainsi, la famille élabore pas moins de trente cuvées. Autant d’hommages à la typicité de chaque parcelle de ce vignoble très morcelé. À noter une inégalable série de variations sur le cépage phare du domaine. Le chardonnay. Ce dernier représente environ deux tiers du vignoble et livre autant de versions que de parcelles. Selon qu’il s’épanouit sur les calcaires du bajocien ou du bathonien. Sur les argiles rouges sur calcaire des varrons ou sur les marnes grises du Lias, où le savagnin, cépage emblématique du Jura, rayonne. Idem pour les cépages rouges. Alors que le Poulsard En Billat naît sur un mélange d’argiles et de schistes, les 16 ares de Gamay du Domaine Labet sont constitués de limons sableux sur calcaire. Par ailleurs, l’ensemble du vignoble est désormais conduit en agriculture biologique certifiée depuis 2013. Évolution rendue possible grâce à une meilleure gestion de l’enherbement. C’est d’ailleurs pour cette raison que “le Papa”, durant la décennie 90, avait dû se résoudre à l’usage d’un désherbant sous le rang. Faute d’équipement et de main d’œuvre suffisante et bien qu’il fut sans conteste un précurseur du bio dans les années 80 ! Enfin, l’autre fer de lance du Domaine Labet réside dans la poursuite du travail d’Alain sur les sélections massales. Ce choix de plantation issue de vieux ceps, et l’acquisition de parcelles anciennes ont durablement façonné les vins de la famille Labet. Son vignoble aussi, dont chaque pied de vigne, avec sa personnalité propre, nous raconte la même belle histoire.
« La sélection massale, pour nous, c’est la base. Même avec des défauts, cette diversité crée de la complexité. Une vraie force.»
LA FAÇON DE FAIRE LE VIN
À l’instar des plus belles signatures jurassiennes, le succès du Domaine Labet s’appuie avant tout sur l’élaboration de vins d’identité. Prolongement naturel d’un travail minutieux à la vigne. D’une philosophie de vie aussi, proche de la terre et de ses fruits. Ainsi, la famille Labet a fait de chacune des cuvées du domaine de véritables bijoux d’équilibre. De minéralité et d’énergie.
Le Domaine Labet s’inscrit comme l’un des précurseurs de l’évolution des vins du Jura. Depuis sa création. Au-delà de l’approche de vinification parcellaire initiée par Alain et Josie, la fratrie, sous l’impulsion de Julien Labet, a permis au domaine de poursuivre son ascension au fil des années. Alors que “les parents” élaboraient principalement des vins oxydatifs – non ouillés – aux arômes caractéristiques de noix et d’épices, l’arrivée de Julien en 1997 fut le premier tournant. Revenant de Bourgogne, terre de chardonnay ouillé, il prend en charge le remplissage hebdomadaire des vieux foudres. Entreprend également d’élever les jus en pièces plus récentes, sur lies, afin de gagner en précision, en complexité et en fraîcheur. Cependant, la famille poursuit naturellement la fabrication de vins de voile à base de savagnin, comme le Vin Jaune. Ou bien la superbe Cuvée du Hasard, libre interprétation de style oxydatif composée de chardonnay. Aussi, à l’image de la diversité recherchée dans les sélections massales, la fratrie a depuis fait le choix de diversifier les contenants. Ainsi, foudres, demi-muids et œufs en béton côtoient désormais les barriques. Autre évolution éloquente au Domaine Labet, l’usage du soufre. Émue et intriguée par plusieurs des premiers flacons “nature” qu’ils goûtent lors d’un salon italien, la fratrie expérimente. Le domaine de Julien sera le laboratoire. Premiers essais sans soufre en 2008. En 2009, la règle de ne plus sulfiter sous le pressoir est acquise. Tous au domaine cultivent ce goût de respecter plus le vin. D’intervenir peu et d’apprivoiser la matière. Tout en mesurant le processus d’un point de vue technique. Il en résulte des vins empreints de vie. Fruits d’un patrimoine de vignes et d’une histoire uniques.
« Le vin est presque trop sacralisé aujourd’hui. Pour nous, c’est d’abord un produit qui vient de la terre et qui draine des valeurs fondamentales.»