RHÔNE MÉRIDIONAL – Châteauneuf-du-Pape
L'HOMME
LES PAPILLES DES ÉPICURIENS, JÉRÔME GRADASSI LES CONNAÎT BIEN. AVANT DE SE DÉDIER À LA VIGNE, L’HOMME ÉTAIT EN EFFET CHEF ÉTOILÉ. UN PARCOURS QUI LUI A DONNÉ LE GOÛT DES BONNES CHOSES. DE L’AUTHENTICITÉ. DU PARTAGE.
Cuisinier de formation, Jérôme se consacre longtemps à son restaurant. Créée en 1989, l’adresse avignonnaise séduit dix-huit gourmets. À chaque service. Des années durant. Jusqu’à se voir récompensée d’une étoile par le guide Michelin. Une belle reconnaissance. Mais le temps passe. Et Jérôme voit peu à peu les produits changer. Se détourne de ce qu’est en train de devenir la cuisine. Décide de changer de voie. Au même moment, le fermage de son frère prend fin. Un déclic qui le pousse à reprendre une partie du domaine familial. À se lancer. En autodidacte. Lui le petit-fils de vigneron. Nous sommes en 2004. L’année de sa première récolte. Les vendanges sont alors méticuleuses. Témoignent de l’admiration que porte Jérôme aux terroirs. Aux conditions climatiques favorables. Pour lui, autant d’éléments qui facilitent le travail. Et créent l’émotion. Sa philosophie ? De bons produits avant tout. Pas de recettes toutes faites. Et de l’intuition. Une vérité qui vaut en cuisine comme en cave. Alors pied après pied, l’artisan vigneron essaie de produire les plus beaux fruits possible. De sublimer ce que la nature lui donne. Avec respect et simplicité. Sa seule règle du jeu. La même qu’en cuisine. Qu’il applique déjà depuis quatorze millésimes.
« J’ESSAIE DE FAIRE LES PLUS BEAUX FRUITS. ENSUITE, LA RÈGLE DU JEU EST DE FAIRE AVEC CE QUE LA NATURE ME DONNE. »
LE TERROIR
CHÂTEAUNEUVOIS DE NAISSANCE, JÉRÔME A ARPENTÉ LES TERROIRS DE LA RÉGION. IL LES SAIT SABLEUX. ARGILEUX. FRAIS. CONNAÎT CHACUN DE SES QUELQUES GALETS. CHACUN DE SES SOUS-SOLS. ET EN TIRE LE MEILLEUR POUR SES CÉPAGES DE PRÉDILECTION, LE GRENACHE ET LE MOURVÈDRE.
Réparti entre 300 propriétaires environ, le châteauneuf-du-pape s’épanouit sur 3300 hectares. Aux lieux-dits de Palastor, Bois-Darphin et Cabrières, les parcelles du domaine se situent sur la même veine de terre. Argileuse. Et sableuse. De quoi conférer à l’ensemble sa finesse. Son élégance. Cet héritage, Jérôme Gradassi le chérit. Aussi il n’utilise ni désherbant. Ni engrais. Ni pesticide. Pour autant, il n’aime pas le qualificatif « bio ». Le mot lui semble galvaudé. Il préfère œuvrer au plus juste. En toute liberté. C’est donc avec raison qu’il travaille au quotidien. Refusant par exemple le labour. Trop violent pour les sols et source de maladies. Pour désherber et faire entrer l’oxygène, il griffe la terre. Au tracteur ou au chenillard. La faible densité de plantation permet au vignoble de sécher plus rapidement. Mais aussi de travailler avec plus d’aisance. Ses vignes ont en moyenne de 60 à 80 ans. Les plus jeunes produisent davantage. Mais l’ensemble de la production s’équilibre. Comme en cuisine. Où pour réussir une belle blanquette, l’apport du gras et du maigre est nécessaire. En blanc, le vigneron est à 100 % en clairette. En rouge, 80 % de grenache. 20 % de mourvèdre. Amoureux de ce dernier cépage, le vigneron tend à lui accorder plus de place. Faisant petit à petit évoluer la répartition à 70/30. Au gré des remplacements. La taille est le pilier de la récolte à venir. Chaque pied est unique mais Jérôme Gradassi les connaît tous. En fonction de ce qu’il observe, il opère différemment. C’est le millésime qui se joue là. Le travail de toute une année. Contrairement à la gastronomie, la viticulture ne laisse pas de seconde chance. Alors Jérôme Gradassi s’adapte. S’applique. Veille au grain.
« J’AIME BIEN LES VIGNES ESPACÉES. ÇA SÈCHE MIEUX. C’EST PLUS PRATIQUE À TRAVAILLER. »
LA FAÇON DE FAIRE LE VIN
AU CHAI AUSSI, JÉRÔME GRADASSI LAISSE S’EXPRIMER SA PHILOSOPHIE. CELLE DE MAGNIFIER LES BONS PRODUITS QUE LUI CONFIE LE SUD. UNE RÉGION AUSSI GÉNÉREUSE QUE LE SONT SES VINS. ENTRE CLASSICISME ET SENSUALITÉ. UN DÉLICE POUR LES SENS.
Après des vendanges manuelles, les raisins prennent la direction de la cave. Certaines années se révèlent compliquées. Comme en 2018 où le vigneron a perdu pas mal de volume. La faute au mildiou. Pour autant, Jérôme reste concentré. Vinifie ses rouges en vendanges entières. Une manière de s’éloigner des vins d’œnologues entièrement éraflés. Il apporte aussi de l’acidité avec des verjus. Tout est question d’équilibre. La vinification se poursuit ensuite sur des levures indigènes. Dans des cuves en béton carrelées. Creusées dans le rocher à quatre mètres de profondeur, elles apportent une douce chaleur naturelle. Les jus y restent à macérer un mois. Avant d’être pigés à la main. La fermentation malolactique s’enchaîne ensuite naturellement. Ainsi que l’élevage. Qui se fait durant dix mois. En barriques anciennes (entre quatre et dix ans) uniquement. Pour ne pas marquer ses vins. L’élevage achevé, Jérôme Gradassi opère une légère filtration. De quoi donner un peu d’éclat aux nectars. L’ajout de soufre est minimal. Juste de quoi permettre au vin de voyager. Les petits restaurateurs n’ayant plus les moyens de se constituer une cave, la demande se concentre d’ailleurs autour de l’export. Des cavistes. Des étoilés. Comme lui, des amateurs de vins uniques. Non parcellaires. Car Jérôme Gradassi est convaincu que chaque grain apporte sa contribution. Et qu’il lui revient le rôle d’orchestrer ces trésors. Librement. Sans suivre de recette. À l’instinct. Convoquant ici une note de thym. Là une autre de romarin. Comme un chef.
« J’AI CHOISI DE NE FAIRE QU’UNE SEULE CUVÉE. AU PLUS SIMPLE AVEC DES BEAUX PRODUITS. »