LOIRE – Faye-d’Anjou
L'HOMME
Ne vous fiez pas à son apparente réserve. Pierre Ménard est un jeune vigneron qui sait ce qu’il veut. Lui, l’enfant de Faye-d’Anjou, est revenu au pays en 2013 après avoir sillonné quelques-uns des plus beaux vignobles du monde. C’est ainsi qu’il commence à isoler et vinifier une première parcelle au sein du patrimoine de vignes familiales. Ce seront les débuts du domaine, qui compte aujourd’hui parmi les plus prometteurs d’un Anjou pourtant riche en talents.
L’histoire de Pierre Ménard est celle d’un jeune vigneron de son temps. D’un homme de 33 ans au parcours déjà riche en expériences. À mi-chemin entre une fibre artistique certaine et un cursus d’ingénieur diplômé de l’École Supérieure d’Agricultures d’Angers, il finit par trouver son expression vinicole à lui en 2013. Bien avant cela, il lui aura fallu quitter le nid. Ce Faye-d’Anjou natal et le domaine familial, qui confie la totalité de sa récolte à la coopérative voisine. Question de génération et de sensibilité. Ainsi, il développe son attrait du vin aux quatre coins du monde. Du Douro au Portugal jusqu’aux terres de Nouvelle-Zélande, en passant par le Canada et quelques semaines au Château Latour à Bordeaux. Mais c’est au retour d’un stage sur les magnifiques terroirs de Hongrie qu’il entreprend de démarrer son aventure propre. C’est ainsi qu’il reprend un demi-hectare de vieilles vignes du domaine de ses parents. Le Quart des Noëls. Ce premier opus se distingue rapidement par une personnalité et un charme singuliers. Comme un autre regard posé sur ses sols schisteux qui longent admirablement le Layon. Aussi, il poursuit son ascension et se met naturellement en quête d’autres parcelles à travailler. S’occupe de tout, tout seul. Des plantations jusqu’aux étiquettes, qu’il réalise toutes avec un sens esthétique aussi puissant que la grâce des vins qu’il produit. Avec ce petit supplément d’âme qui fait les plus belles œuvres.
« On recrée des couloirs pour les chauves-souris et on installe des nichoirs à mésange pour combattre le ver de la grappe !»
LE TERROIR
Le long des rives du Layon, les 4,12 hectares du Domaine Pierre Ménard révèlent avec brio toutes les nuances de schistes de cette partie de l’Anjou. Côté vigne, outre les jeunes vignes de la parcelle La Varenne de Chanzé, Pierre s’appuie sur un superbe patrimoine de vieux ceps, dont les premiers acquis proviennent directement du domaine familial. Un trésor dont le jeune vigneron tire toute la quintessence.
Le Domaine Pierre Ménard s’est construit au fur et à mesure. Avec le temps. Au commencement, Le Quart des Noëls. Un minuscule îlot de ceps centenaires de chenin sur des sols de schistes et de quartz. Puis, pas à pas, d’autres terroirs à explorer. À révéler. Qu’il s’agisse des schistes sur lesquels s’épanouissent quelques rares vignes de sauvignon blanc qui donnent naissance à la cuvée Laïka ou de celles, plus riches en phtanites du Clos des Mailles, Pierre prône depuis toujours une agriculture biologique. La certification est d’ailleurs en cours et sera effective cette année. En pratique, depuis le début, aucun produit de synthèse. D’un côté, l’usage de tisanes et de décoctions de plantes pour prévenir des maladies de la vigne. De l’autre, un travail des sols le plus léger possible afin de préserver au mieux la vie des sols. Tout est fait pour produire des raisins sains. De plus, Pierre s’applique à exprimer la diversité de ses terroirs en privilégiant une approche parcellaire de ses cuvées. En outre, il va même parfois jusqu’à faire de l’intra-parcellaire, comme avec la cuvée Pluton, issue d’une sélection de ceps à l’intérieur du Clos des Mailles. Dernière acquisition en date, et peut-être bientôt à l’origine d’un prochain vin, Le Quart de Gastines. Un micro parcellaire de vieilles vignes de chenin dont Pierre Ménard fera, à coup sûr, des merveilles !
« Sur Le Quart des Noëls, on est entre le grès schisteux et le schiste gréseux. Avec des quartz.»
« La certification bio sera pour le millésime 2021. Mais je ne le mettrai pas a priori sur l’étiquette. »
LA FAÇON DE FAIRE LE VIN
Loin de s’enfermer dans les codes d’une région viticole encore marquée par l’histoire récente des vins d’Anjou, Pierre Ménard puise l’essence de ses flacons à la source. À la vigne. Au cœur d’une démarche parcellaire propre à révéler toute la richesse et la complexité des terroirs. Sans fard, avec sensibilité et élégance, il travaille ainsi dans le respect des anciens. Et l’amour des vins contemporains.
“Un avant-goût d’arrière-garde et un arrière-goût d’avant-garde”. Quelque chose dans la façon qu’a Pierre de faire le vin pourrait faire penser à cette célèbre phrase de Serge Gainsbourg. Une sorte de classicisme teinté de neuf. De savoir mêlé de curiosité. Et pour cause, parler de vin en compagnie de Pierre Ménard a ceci de passionnant que le jeune vigneron s’intéresse à toutes sortes de flacons. Hors des sentiers battus. Aussi, fort d’une solide culture vinicole, il fait preuve d’un esprit large et d’un intérêt loin d’être feint pour le travail des autres. Cette connaissance des vins d’ici, cet amour des vins d’Anjou, loin de l’enfermer, semble plutôt libérer son instinct de vinificateur. D’ailleurs, même dans les millésimes réputés plus difficiles, il paraît toujours trouver un chemin, un point d’équilibre qui distingue ses flacons des autres. Une signature. Pour parvenir à ce qu’il veut, Pierre Ménard s’implique pleinement dans chaque tâche. Ainsi, il effectue plusieurs passages à la vigne si nécessaire, afin d’obtenir les maturités et les équilibres les meilleurs possibles. Puis il laisse aller les fermentations à leur rythme. Aucun intrant n’est utilisé, hormis un minimum de soufre, seulement si la situation l’exige à ses yeux. La finesse, en blanc comme en rouge sur l’excellente cuvée Orion Alpha, prime. Par ailleurs, la rénovation de l’outil lui-même est en cours. Tel qu’à l’intérieur du nouveau chai qui devrait bientôt voir le jour, les élevages patients participeront à leur mesure à l’éclat des futurs vins du domaine.
« Le nouveau pressoir permet de faire des pressurages lents. »
« Les fermentations sont longues. Tout se fait naturellement. »