LOIRE – Montreuil-Bellay
L'HOMME
Dix ans après son installation à la Porte Saint Jean, Sylvain Dittière pose toujours ce même regard rieur sur le monde. Le sourire tranquille de ceux qui suivent leur voie sans trop s’attarder sur le regard des autres. Pas forcément évident aux côtés des grands noms qui se rappellent souvent à lui. Qu’importe, le domaine qu’il a fondé ici avec sa compagne de toujours, Pauline Foucault, fait partie des plus belles signatures ligériennes du moment.
Montreuil-Bellay, 14H30. Sylvain Dittière arrive au pas de course. Le portail s’ouvre sur une petite cour jonchée par endroits de quelques jouets d’enfants. Sur la gauche, la maison du couple. Au fond, une petite table en bois sur laquelle est posée une bouteille vide de Poyeux 2012 et quelques verres autour. Juste à droite, une petite porte métallique ouvrant sur une magnifique cave creusée dans la roche. Cet endroit, Sylvain et Pauline l’ont acquis en 2010. À la recherche d’un endroit où s’installer, le jeune vigneron tombe sous le charme du lieu. De cette cave typique de la région saumuroise. Il fonde ainsi le domaine La Porte Saint Jean, du nom de la porte éponyme voisine, à Montreuil-Bellay. Sylvain n’a alors que 23 ans, mais son bagage est solide, et sa culture du vin déjà grande. Après un premier stage en 4ème chez Françoise Foucault au Château Yvonne, il en enchaîne plusieurs autres au Domaine du Collier. Titulaire d’un BTS viti-œno par la suite, au cours duquel il passe notamment par le Domaine des Roches Neuves à Saumur, il poursuit son apprentissage chez Marc Tempé en Alsace, Gauby et Cyril Fhal dans le Roussillon. Durant les premières années, Pauline Foucault, désireuse de ne pas faire peser son nom sur le travail du jeune vigneron, s’implique loin des regards. Pour autant, elle parvient aujourd’hui à prendre toute sa place aux côtés de Sylvain. D’ailleurs, quoi de plus naturel que de faire ce métier qui l’a vue naître ! Au beau milieu d’une visite à La Porte Saint Jean, il n’est pas rare de se sentir comme en famille. Vous croiserez sûrement les enfants, Fleur et Firmin. Quelques copains débarqueront inévitablement pour une dégustation improvisée. En compagnie d’Alex, désormais employé au domaine. Ou de Damien, sommelier à l’Auberge des Isles venu donner un coup de main à la vigne en attendant la réouverture.
« Nos grands-parents avaient un savoir beaucoup plus important que nous sur la nature, même si ça évolue bien depuis dix ans. »
LE TERROIR
Le vignoble de Sylvain Dittière se divise en 3 zones distinctes d’environ 2 hectares chacune. La Perlée, Les Cormiers, et la dernière en date, Les Pouches. Sur les 6,1 hectares du domaine La Porte Saint Jean, entre Montreuil-Bellay et Doué-la-Fontaine, 3 cépages s’épanouissent. Chenin, cabernet franc, et quelques ares de très vieilles vignes de sauvignon blanc. Un patrimoine de grande qualité conduit en agriculture biologique. Évidemment.
6,1 hectares. 3 lieux. 3 cépages. Le domaine La Porte Saint Jean a su faire de cette diversité une vraie richesse. D’une part, le terroir argilo-limoneux de La Perlée, dont les ceps sont entourés de bois, sont à la base d’une cuvée de chenin de grande classe. Aussi, il est le lit de quelques ares de sauvignon rarissimes dans la région. D’autre part, les sols argilo-calcaires à silex des Cormiers révèlent eux à merveille les vieilles vignes de cabernet franc du domaine. En outre, Sylvain Dittière et Pauline Foucault ont acquis en 2017 une parcelle de deux hectares en bordure de Montreuil-Bellay. Complantée de chenin et de cabernet franc, cette dernière s’appelle Les Pouches. Ils ont entrepris un gros travail afin de redonner de la vie dans les sols, et les deux premiers millésimes sont pleins de promesses. Petit-fils d’agriculteur, Sylvain Dittière a l’âme profondément paysanne. Il possède un sens aigu de la nature et sa vision de l’épanouissement de son vignoble est globale. Au domaine La Porte Saint Jean, on prône les vertus de l’agroforesterie et d’un écosystème respecté. Dans la pratique, le jeune vigneron s’appuie sur une agriculture biologique, bien sûr. Mais il ne ressent pas pour autant le besoin d’un label apposé sur les flacons du domaine. Tous les vins sont pourtant certifiés bio, même ceux issus des achats de raisins « sur pieds » de la cuvée La Porte Saint Jean. En guise de traitements, aucun produit chimique de synthèse, donc. Il privilégie l’application de tisanes, notamment la prêle pour lutter contre l’oïdium et le mildiou. Il utilise également l’écorce de saule afin de stimuler les défenses naturelles de la vigne. Enfin, soufre et cuivre sont appliqués à la marge, en quantités extrêmement faibles.
« Perlée, c’est au milieu des bois. À mes yeux, il faut un échange entre la vigne et le reste de l’écosystème. »
LA FAÇON DE FAIRE LE VIN
Dans la lignée des meilleurs domaines de la région, La Porte Saint Jean produit des vins à la fois vivants, élégants et précis. La conséquence d’un travail d’orfèvre à la vigne et d’une récolte la plus saine possible. D’élevages longs en barrique, aussi, afin de laisser s’exprimer tout le potentiel aromatique des raisins. 11 ans après la naissance du premier millésime, les bouteilles signées Sylvain Dittière font figure de référence.
Si vous passez un jour la porte de la cave du domaine La Porte Saint Jean, vous aurez alors le plaisir d’observer Sylvain Dittière parcourir frénétiquement son chai à barriques, pipette à la main, afin de vous faire découvrir la personnalité de chaque vin. Goûter la typicité de chaque jus. Ici, à l’intérieur de cette magnifique cave troglodyte, les futurs vins évoluent à leur rythme, paisiblement, dans le confort frais des 12° constants qui règnent tout au long de l’année. Avant d’atterrir au cœur de ce lieu unique, le processus de fermentation se veut le plus simple et naturel possible. Aucun intrant, ni levurage. La matière première est égrappée. De surcroît, aucun pigeage, ni remontage n’est effectué. C’est notamment cette volonté d’infuser plutôt que d’extraire qui confèrent aux vins de Sylvain Dittière leur toucher élégant, bien que des macérations longues de 5 à 6 semaines soient privilégiées. Par la suite, les fermentations malo-lactiques se feront en barriques, naturellement. Puis plus rien ne sera fait jusqu’à la mise en masse, autrement dit l’assemblage des nombreux fûts en cuve avant la mise en bouteille. Ainsi, l’élevage aura duré 18 mois pour la cuvée “La Porte Saint Jean” et Les Pouches Blanc. 24 mois pour La Perlée. Idem pour Les Pouches Rouge et Les Cormiers, en tonneaux neufs. Aucun soufre n’aura été utilisé, seule une infime dose sera ajoutée à la mise en bouteille en vue de protéger les vins. Le résultat est superbe, millésime après millésime, à tel point que les bouteilles se font de plus en plus rares. Et ce n’est qu’un début.
« Même en petit millésime, tu peux sortir des grands vins. Mais il faut beaucoup travailler. Cormiers 2013, on a jeté 40% à la table ! »