BORDEAUX – Saint-Pierre-de-Mons
L'HOMME
David Poutays est de ces hommes avec lesquels se noue très facilement le dialogue. Sur les terres de graves, cet ingénieur mécanique de formation né à Langon, ne cultive pas seulement sa jovialité. Mais de nombreux cépages anciens, comme directeur du Château Cazebonne. Sous l’impulsion de Jean-Baptiste Duquesne.
D’emblée, la poignée de main est franche. Le sourire est sincère. David Poutays est à l’image de son parcours. Ancré dans la terre, mais libre dans sa tête. Pour raconter l’histoire de ce vigneron, il convient de remonter à sa rencontre avec les flacons et le vigneron du domaine Rousset Peyraguey à Sauternes, Alain Déjean. Car c’est auprès de lui que David négocie son premier virage viticole. Il y apprend les rudiments biodynamiques. De surcroît, il y côtoie un homme affranchi de tous les codes de la viticulture conventionnelle. Mais c’est en 2002 qu’il reprend le domaine familial dont s’occupe encore son père, Henri. Le Clos de Mounissens, à St-Pierre d’Aurillac. Sur un peu plus d’un hectare et demi que compte le domaine, le jeune vigneron pose ainsi les bases de ce qu’il va réaliser aujourd’hui. Il échange sur la biodynamie avec des références comme Élian Da Ros, Michel Favard ou Paul Barre, et accompagne ses jus en toute liberté. D’ailleurs, c’est peut-être ce goût pour les flacons libres qui l’a fait aujourd’hui directeur du Château Cazebonne, dans les graves bordelaises. Repris en 2016 par Jean-Baptiste Duquesne, ce dernier n’entend voir personne d’autre à sa tête au moment de le racheter. Un rêve pour l’ancien fondateur du site culinaire 750 Grammes. Fruit du hasard, cinq ans plus tôt, le restaurateur Damien Duquesne – frère de Jean-Baptiste – goûtait aux flacons de David Poutays à l’occasion d’un dîner. Neuf années après, leur amitié s’est transformée en une aventure viticole moderne d’envergure. Réconcilier Bordeaux avec ses vins.
« Ce que j’ai senti en Loire ou en Alsace, les vins qui m’ont fait frissonner, je me suis rendu compte que Bordeaux ne l’avait plus. »
LE TERROIR
Les terroirs de Bordeaux recèlent de nombreux trésors inconnus. C’est à Saint-Pierre-de-Mons, dans les graves bordelaises, que David Poutays travaille à réhabiliter la diversité des sols du Château Cazebonne. Avec beaucoup d’énergie et de conviction. En biodynamie.
40 hectares, répartis sur 7 îlots. À l’instar de la géologie bourguignonne, Bordeaux possède une réelle variété de terroirs. Ici par exemple, le plateau de Cazebonne est gravelo-sableux, alors que celui de Peyron se révèle limoneux. Darche bénéficie de graves et de calcaire à astéries typiques de St-Émilion, alors que Mazères regorge d’argiles. Cette diversité de sols constitue une richesse sur laquelle s’appuie David Poutays, notamment lorsqu’il s’agit de replanter de vieux cépages. 21 sont déjà là. Tarnay coulant, carménère, gros verdot, bouchales. Il en existait cinquante avant l’invasion du Phylloxéra. Là encore, Jean-Baptiste Duquesne et son vigneron partagent une ambition commune. Une même envie de réhabilitation. Pour exprimer l’identité propre de chaque cépage, mais aussi la singularité de chaque terroir. À la vigne, la ligne de conduite est sans ambiguïté. Car pour élaborer des vins de lieux, la priorité est de redonner de la vie aux sols. Si bien que depuis la reprise du vignoble en 2016, David Poutays pratique la biodynamie à plein. Outre l’aspect philosophique, le soin apporté à la viticulture est au coeur du travail quotidien réalisé par David et ses équipes. Couverts végétaux, apports de compost, paillages, griffages légers afin d’éviter que la mousse ne prolifère. Tout est mis en oeuvre pour obtenir un raisin aux équilibres et maturités optimales. Pour qu’au-delà des expressions de cépages, les flacons du Château Cazebonne soient des vins de lieux.
« Dans la philosophie biodynamique, Steiner parle de tripartition. Homme, Finance et nature. On essaye d’être à la jonction de ces trois énergies. »
LA FAÇON DE FAIRE LE VIN
Au Château Cazebonne, le challenge est double. En effet, il faut à la fois trouver le meilleur itinéraire pour vinifier ces vieux cépages et tenter de réécrire une histoire de grands vins biodynamiques à Bordeaux. Avec David Poutays à sa tête, le domaine s’engage dans une démarche de qualité remarquable.
1997. Jean-Baptiste Duquesne découvre le plaisir de goûter aux cépages anciens lors de sa première rencontre avec le vigneron gaillacois Robert Plageoles. Aussi, lorsqu’il décide de reprendre le Château Cazebonne, replanter des vieux cépages bordelais apparaît pour lui comme une évidence. Avec David Poutays aux commandes, la vinification de ces trésors oubliés promet de beaux moments de dégustation. Comme ce malbec vinifié en jarre, gorgé de fruit, pur et tout en finesse. Pour y parvenir, toutes les expérimentations sont permises, d’autant plus qu’il n’existe pas d’historique au domaine sur lequel s’appuyer. Qu’il s’agisse de macération, de fermentations semi-carboniques ou carboniques, d’élevages en barriques, en cuves ou en jarre. Ici encore, rien n’est laissé de côté, pourvu que le jus soit là, identitaire et singulier. Cependant, certains principes, acquis de longue date, font office de cadre intangible. Utilisation de levures naturelles. Vinification sans soufre. Élevage avec un minimum de soufre volcanique de qualité, purifié, conditionné et distribué par l’association Terra Dynamis co-créée par David Poutays et Alain Déjean. Ce travail propre est notamment permis par des fermentations d’école, favorisées par des taux d’azote élevés à la vigne. C’est un des fruits du travail de fond réalisé par le vigneron de 45 ans et ses équipes depuis trois ans. Ainsi, au travers de 4 gammes distinctes, les flacons du Château Cazebonne régalent les amateurs de vins de Bordeaux vivants et singuliers.
« Si c’est bon, si c’est sain, pourquoi les vins de France ou hors appellation ne se vendraient pas ? »